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Néron
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Sam 23 Nov - 3:31
 Il y avait deux frères, n'ayant ni père ni mère pour les conseiller au besoin et sans nulle autre parenté. Leur amie était Pauvreté qui toujours restait avec eux; on souffre en cette compagnie: il n'est pas pire maladie. Les deux frères dont je vous parle partageaient le même logis. Une nuit, mourant à la fois de soif de faim et de froid, tous maux qui volontiers harcèlent ceux que Pauvreté asservit, ils se mirent à méditer comment ils pourraient se défendre contre Pauvreté qui les presse. Un homme qu'on disait très riche habitait près de leur maison. Ils sont pauvres, le riche est sot. Il a des choux dans son courtil et des brebis dans son étable. C'est chez lui qu'iront les deux frères: Pauvreté fait perdre la tête. L'un accroche un sac à son cou, l'autre à la main prend un couteau. Tous deux se mettent en chemin. L'un, se glissant dans le jardin, entreprend, sans perdre un instant, de couper les choux du courtil. L'autres'en va vers le bercail, fait si bien qu'il ouvre la porte et tout semble aller pour le mieux; il tâte le plus gras mouton. On était encore sur pied dans la maison: on entendit le bruit de l'huis quand il l'ouvrit. Le bourgeois appela son fils:
"Va-t'en donc, dit-il, au jardin et regarde si tout va bien. Appelle le chien du logis."
Le chien se nommait Estula, mais par bonheur pour les deux frères, il n'était pas à la maison. Le garçon, qui prêtait l'oreille, ouvre l'huis donnant sur la cour et crie:
"Estula! Estula!"
Du bercail le voleur répond:
"Et oui! Vraiment, je suis ici."
L'obscurité était profonde: le fils ne pouvait distinguer celui qui avait répondu; mais il fut vraiment convaincu que c'était le chien qui parlait. Aussitôt, sans prendre de temps, il revient droit à la maison où il arrive tout tremblant.
"Qu'as-tu, mon cher fils ? dit le père.
-J'en fais le serment sur ma mère, Estula vient de me parler.
-Qui ? Notre chien ?
-Vraiment, ma foi; et si vous ne voulez m'en croire, appelez-le, vous l'entendrez."
Le bourgeois veut voir la merveille et sur-le-champ va dans la cour; il appel Estula son chien. Le voleur, ne soupçonnant rien, répond:
"Mais oui, je suis ici !"
Le bourgeois en reste interdit:
"Par tous les saints, toutes les saintes, fils, j'ai ouï bien des merveilles, mais certes jamais de pareilles. Va conter la chose au curé. Il faut l'amener avec toi: recommande-lui d'apporter son étole et de l'eau bénite."
Le fils s'empresse d'obéir et court à la maison du prêtre. Aussitôt, sans perdre de temps, il dit:
"Sire, venez chez nous ouïr des choses merveilleuses: telles jamais n'avez ouïes. Prenez l'étole à votre cou."
Le curé répond:
" Tu es fou de vouloir m'emmener dehors; je suis pieds nus, je n'irai pas."
Le fils là-dessus lui réplique:
" Vous viendrez, je vous porterai."
Le prêtre, ayant pris son étole, sans ajouter une parole, monte sur le dos du garçon et celui-ci se met en route; mais afin d'arriver vite, il descend droit par le sentier qu'avaient emprunté les voleurs. Celui qui dérobait les choux vit la forme blanche du prêtre: il crut que c'était son compère qui apportait du butin. Il demande tout joyeux:
"Vas-tu m'apporter quelque chose ?
-Sûrement oui." répond le fils, croyant avoir ouïr son père.
Le voleur dit:
"Dépose-le. Mon couteau est bien émoulu; on l'a affûté à la forge et je vais lui couper la gorge."
Le prêtre, l'ayant entendu, convaincu qu'on l'avait trahi, lâche les épaules du fils et décampa tout affolé; mais il accrocha son surplis à un pieu, où il le laissa; car il n'osa pas l'attraper pour tenter de le décrocher. Ignorant ce qu'il en était, le voleur qui coupait les choux ne resta pas moins étonné que celui qu'il avait fait fuir; et cependant il s'en va prendre l'objet blanc qu'il voit au pieu pendre et il décroche le surplis. Son frère à ce moment sortit du bercail avec un mouton; il appela son compagnon qui avait son sac plein de choux. Ayant chargés leur épaules, et sans s'attarder d'avantage, tous deux regagnent leur maison, et le chemin ne fut pas long. Alors le voleur au surplis montre à son frère son butin. Ils ont bien plaisanté, bien ri. Le rire, naguère perdu, maintenant leur était rendu.
En peu de temps, Dieu fait son oeuvre. Tel rit le matin, le soir pleure; et tel est le soir chagriné qui le matin fut en gaieté.
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